« Papa, papa, papa, papa, papa ! Viens voir le dessin que j'ai fait aujourd'hui à l'école ! » Je fermai la porte d'entrée précipitamment tandis que je criais ces mots, et son claquement résonna au moins aussi fort dans toute la grande maison. Aussitôt, des bruits de pas résonnèrent à l'étage, puis dans les escaliers, avant de s'arrêter subitement. « Papa ? » Je me penchai pour tenter d'apercevoir le bas des marches, chose impossible de ma position. Intriguée, je sortis du hall d'entrée et tournai dans le salon. « Papaaa ?! » Je tournai finalement vers les escaliers et poussai un hurlement de surprise, si aigu qu'il vrilla mes propres tympans. Mon père était bel et bien là, et il s'était jeté sur moi avec un grand cri de guerre pour me chatouiller. Je tentai de me libérer, mais ses grands bras m'empêchaient de m'enfuir et je manquais de force, secouée comme j'étais par les éclats de rire. Enfin, je me rappelai mon dessin et criai aussi fort que je pus pour qu'il me lâche. « Arrête, papa, arrête ! Mon beau dessin ! » Je le tenais encore entre mes petites mains et m'assurai qu'il n'était pas froissé ni effacé. « Regarde ! » fis-je en le lui tendant fièrement. Il se pencha dessus, le pris et le regarda intensément durant de longues secondes. « Tu ne l'aimes pas ? » fis-je avec une moue déçue, prête à pleurer. J'avais mis tant de temps et d'application à le faire ! « Au contraire, il est magnifique ma chérie ! Si magnifique qu'il va falloir que tu m'aides à l'accrocher dans mon bureau. » fit-il, arborant l'air sérieux et professionnel qu'il prenait face à des clients. Mais ses yeux rieurs le démentaient. « Oh oui papa ! Je vais décider la couleur de la punaise. » « C'est d'accord ma jolie ! Viens, allons-y tout de suite. »



« Et toi Shea ? Pourquoi t'as pas de maman ? » « Parce que mon papa il a pas de femme. » « Alors comment t'as fait pour naître ? » Je souris. Autour de moi les enfants avaient des questions plein les yeux. Les parents de la plupart d'entre eux étaient séparés. Moi, c'était complètement différent. « Mon papa c'est pas mon vrai papa. Il m'a adoptée parce qu'il voulait vraiment avoir une fille mais qu'il avait pas de femme. Moi, mes vrais parents ils pouvaient pas s'occuper de moi alors ils ont cherché quelqu'un qui pourrait et voudrait bien m'élever. Mon papa il m'a adopté quand j'avais deux ans, alors je me rappelle pas de mes vrais parents. Mais je sais qu'ils vivent en Australie, parce que c'est là que je suis née. » « Et ça te fait pas bizarre de te dire que tes parents ils sont quelque part mais que tu les connaîtras jamais ? » « Non. C'est normal. Ils pouvaient pas s'occuper de moi, ou alors ils avaient pas d'argent et ils ont du me donner à quelqu'un d'autre pour pas que je meure de faim alors que j'étais toute petite. Je vais jamais les rencontrer de toute façon, parce qu'en me faisant adopter par quelqu'un d'autre, il paraît qu'ils ont accepté de ne plus jamais me revoir, et c'est très bien comme ça. Maintenant c'est mon papa qui s'occupe de moi et c'est lui, mon papa maintenant. » « Et pourquoi c'est ton papa qu'ils ont choisi ? » « Il paraît qu'ils se sont inscrit à un genre d'agence, comme dit papa. Lui, quand il a voulu adopter, il a contacté l'agence et il est allé en Australie voir les enfants qu'il y avait à adopter. Il me dit souvent que quand il est arrivé, je suis tout de suite venue le voir et que je lui ai souri, alors il a eu un coup de foudre, comme il dit, et il m'a tout de suite choisie. Il est resté en Australie le temps de tout organiser et quand il est rentré ici, il m'a emmenée avec lui. »

« Inspire ... expire ... maintenant à gauche ... concentre-toi ... inspire ... un peu plus loin ... expire ... » J'étais seule dans cette grande pièce blanche. Dans les gigantesques miroirs, je me voyais, toute petite sur le sol, et le stress grandissait de plus en plus dans mon ventre. « Tout va bien ? » Je me redressai brusquement, un peu trop peut-être, car la douleur m'arracha une grimace, et me retournai pour faire face à Elise, ma meilleure amie. « Ouais. Merci d'être là. » fis-je en un soupir. Elle s'approcha et s'assit près de moi, laissa tomber son sac sur le sol. Assise en tailleur, elle m'offrit un petit sourire. « De rien. Ça doit être stressant, non ? » « Oh oui. Encore, quand c'est plein de gens qui te regardent, c'est pas grave, parce que tu t'en fiches qu'ils aiment ou pas, et puis tu les vois pas et tu les connais pas. Mais là ... Tu vois, il va y avoir quatre juges qui vont nous évaluer, et je vais voir leurs expressions, leurs visages ... Je sais pas si je vais être capable. » Un frisson me courut sur le dos. « Mais oui voyons ! Je suis sûre que ça va bien aller. De toute façon, t'es une bête de danse, ils seront bien obligés de reconnaître ça. C'est quoi le style que tu fais ? » « Du lambada. C'est la première fois. Oh mon dieu, je suis stressée ! » Quelques secondes de silence s'écoulèrent tandis que je fixais un point invisible sur le miroir. « Je devrais aller voir si mon partenaire est prêt. On va passer bientôt. » « Courage ! »

« Alors ? » « Ça a l'air de s'être bien passé peut-être ? » Je m'étais tordu la cheville. Comme ça, dans un bête mouvement, alors que j'en faisais souvent des bien plus dangereux. Je me plaçai consciencieusement au-dessus d'une chaise, m'assurant que ma cheville ne risquait rien, avant de m'affaler, découragée. Elise s'agenouilla devant moi et souleva doucement ma jambe pour la poser délicatement sur une autre chaise. Je lui souris, reconnaissante, tandis qu'elle allait chercher une trousse de premiers soins. « On a du arrêter en plein milieu parce que je suis tombée sur ma jambe. Je sais pas trop quel mouvement j'ai fait, mais tout d'un coup j'ai eu atrocement mal. Je hais être stressée. Tu vois j'y tenais moi ... Aïe ! » « Désolée ! » « Alec était super fâché ... mais qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? J'y peux rien moi si je suis hyper-nerveuse ... Mais c'est bien à cause de ça que je pourrai jamais vivre de la danse. Je sais ce que tu penses, pas besoin de me donner ce regard-là ! Je ne dis pas que je suis un mauvaise danseuse, mais ce stress n'est pas du tout fait pour moi. Et puis, effectivement, il y a quand même de meilleures danseuses que moi. » terminais-je avec un petit sourire à la fois malicieux et désespéré. Elle me lança un pansement, taquine, et cela me fit rire.



« On a fini, Elise ! Tu te rends compte ! On va aller à l'université maintenant ! » « Mon dieu ! Ça a passé tellement vite finalement ! Enfin ! » « Oh merde, je suis vraiment dans la merde. Qu'est-ce que je vais faire l'année prochaine, moi ? J'ai aucune idée dans quel programme aller ... Et les demandes d'inscription finissent dans une semaine ! Qu'est-ce que je vais devenir ! » « Calme-toi, Shea ! Y'a aucun problème, prend ça calmement, on réfléchir à ça ensemble dans la semaine qui vient, mais pour l'instant c'est notre soirée, il faut bien en profiter pour fêter ça ! T'inquiète pas de ça ce soir ok ? » Comme l'avait prédit ma chère amie, la soirée se passa très bien, et je parvins rapidement à oublier mes tracas pour profiter pleinement de cette soirée mondaine organisée par on-ne-savait-qui. Tout ce qu'on savait, c'était qu'elle était mise sur pied en honneur des jeunes qui terminaient l'école ce jour-là, et comme nous en étions, inutile de poser plus de questions. À un certain moment, un homme s'approcha de moi. « Shea Foster, c'est bien vous ? » « Oui, c'est moi ... » « Je ne sais pas si vous vous rappelez de moi, je suis Neil Bates, un ami de votre père. » « Oh oui, bien sûr ! Vous dirigez une agence immobilière, c'est bien ça ? » « C'est exact. Je suis heureux de voir que je ne vous suis pas totalement étranger ! Vous avez donc terminé l'école, c'est cela ? À vous l'université, désormais ! Votre père me disait il n'y a pas si longtemps que vous excelliez à l'école, mais que votre intérêt était particulièrement dirigé vers la danse ... » « Il a dû exagérer alors, car je n'y excelle pas ! J'ai de bonnes notes, mais il y en a qui sont meilleurs que moi ... Par contre, il est vrai que j'aime beaucoup danser, mais je ne pense pas me diriger vers là dans le futur. C'est bien trop demandant pour mes nerfs. » Il éclata de rire, un rire graveleux et chaud qui s'accordait bien avec son type de voix particulier. Du coin de l’œil, je vis Elise me faire un petite signe et s'éloigner après avoir pris un verre sur le buffet. « En quoi allez-vous étudier alors, dites-moi ? » « Et bien justement, je n'en ai aucune idée. C'est très stressant, surtout quand on regarde combien de temps il me reste pour m'inscrire ... Ça me fait peur, de ne pas savoir quel métier faire plus tard, pour être franche. » « Ah ça, je vous comprend ... Ça a été comme ça pour moi aussi, vous savez. Mais on m'a donné une idée qui m'a bien plu, et avec un petit coup de main en prime, j'ai trouvé ce que je désirais faire, et me voilà ! » « Si seulement c'était aussi facile pour tout le monde ... » « Pour tout le monde, je ne sais pas, mais pour vous, sait-on jamais... Dites-moi, vous seriez intéressée à devenir agente immobilière ? Je pourrais vous aider à être admise, et vous auriez une place toute prête chez nous, l'agence Bates-Darcy, à votre sortie des études. Ça vous dit ? »

« Alors, il faudra nettoyer la maison de fond en comble, il ne doit pas rester une seule poussière si on veut que ça se vende. Ensuite, ranger tout dans des armoires ou des placards, quelques effets pourront rester à la vue, mais ce sera à la styliste d'en décider. Pour ce qui est de quelconques réparations, je n'ai rien vu d'endommagé, donc je pense que ça ira, d'autant plus que la demeure est plutôt récente et qu'avec la peinture, les défauts potentiels sont dissimulés. Il faudra aussi enlever tout ce qui est trop personnel, comme les photos sur le réfrigérateur et les petits mots sur le babillard. Il va falloir mettre quelque chose d'autre sur le babillard, bien sûr, parce que si on le laisse vide ça fera très peu naturel. Il reste aussi à déterminer si vous permettez qu'on dépersonnalise et change la disposition des meubles dans les chambres. Puis, il ne restera plus qu'à faire le home staging en tant que tel, c'est à dire réorganiser le mobilier pour valoriser l'espace et donner une première impression positive et chaleureuse pour les visiteurs. » C'était la première fois que je travaillais à proprement parler, sur le terrain, avec des clients. J'avais peut-être l'air un peu trop raide, professionnelle et stricte, mais c'était ce fameux stress. Je trouvais justement que, pour une fois, je le gérais plutôt bien, me concentrant sur l'important. Mon téléphone vibra dans ma poche. Je le sortis, jetai un oeil à l'écran. « C'est la designer d'intérieur. Pendant que je lui parle, ce serait bien si vous pouviez choisir les derniers détails. » Je m'éloignai au bout de la cour avant et répondit au téléphone. « Oui, c'est moi. Oui, si vous pouviez venir vendredi entre treize et seize heures ... Il y a aussi une possibilité dimanche, mais seulement à quatorze heures. D'accord, vendredi à quinze heures, c'est parfait. Avez-vous pris contact avec un photographe ? Il faudra aussi déterminer avec lui ... Attendez un instant ... Je vous rappellerez, je dois quitter. » Je raccrochai précipitamment. De l'autre côté de la rue, une maison fumait anormalement. Je traversai la chaussée et allai voir sur le côté de la maison. Apercevant des flammes à l'intérieur, je ne perdis pas une seconde et composai le numéro des pompiers. Je retournai chez mes clients pour les avertir, et repartit tout de suite. Je sonnai frénétiquement à la porte de la maison qui commençait à se faire gagner de plus en plus par les flammes dévorantes. J'entendis du mouvement à l'intérieur, venant de l'autre côté de la maison. Puis, un grand cri résonna. Je repris mon action sur la sonnette, jusqu'à ce qu'on ouvre. Un jeune homme, d'environ mon âge, visiblement fraîchement sorti du lit, ouvrit la porte, la mine à la fois contrariée et paniquée. « Votre cuisine est en feu, oui, je sais. J'ai appelé les pompiers, ils arrivent. Vous feriez mieux de sortir, et vite. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre à l'intérieur ? Ou un animal ? » Il fit non de la tête, hébété, mais ne bougea pas d'un poil. Je dus le tirer à l'extérieur, et, par réflexe, retournai sur la pelouse de mes clients, le traînant presque derrière moi.

« Merci ... euh, c'est quoi au fait votre nom ? » Je me retournai. J'étais assise sur la chaîne de trottoir, et derrière moi se dressait le jeune homme que j'avais sauvé de sa maison embrasée. Je me relevai immédiatement pour parvenir à sa hauteur. Enfin, pas tout à fait, car il semblait faire une dizaine de centimètre de plus que moi. « Shea Foster. » « Moi c'est Zephyr. Zehpyr Parson. Je suis enchanté de vous connaître Shea. » Bond. James Bond. Et viens par là que tu te pâmes dans mes bras. Je le regardai d'un air insistant. Après quelques secondes, il se reprit. « Merci, en tout cas, de m'avoir euh ... réveillé. Et d'avoir appelé les pompiers et tout ça. Pour être franc, vous m'avez vraiment étonné. La plupart des gens par ici sont des riches snobs et la façon dont vous avez tout géré, et rapidement en plus, en vous assurant que personne dans la maison allait brûler ou quoi que ce soit, ben c'est pas vraiment commun par ici. » « C'est bon, j'ai compris, ça paraît que je suis pas du coin parce que je ne suis pas snob, mais efficace. C'est ça ? Pas besoin de jouer les timides et étonnés, tu sais. » Je souris en coin et m'en allai vers la maison de mes clients. « Attendez, vous vous êtes permis de me tutoyer ? » Je m'arrêtai. Au simple son de sa voix, je pouvais dire qu'il était abasourdi. Je me retournai, haussai les épaules. « Ouais. Je vois pas pourquoi je devrais te vouvoyer, ni pourquoi tu me vouvoies. C'est ridicule, on dirait que j'ai quarante ans de plus que toi. Surtout qu'on s'est déjà parlé, tout à l'heure. » Son visage s'éclaira et, tandis qu'un sourire éberlué s'étalait sur ses lèvres, il secoua un peu la tête. « Merde alors, j'y crois pas ! Y'a encore des gens qui me connaissent pas ! Je pense que je vais me plaire ici, moi. » « Euh, pardon ?! Monsieur se prend pour le roi du monde peut-être ? Ou alors t'es un acteur super-connu dans ton pays, c'est ça ? Mieux ! Le fils d'un politicien américain, quelque chose du genre. » Le sourire qu'il me fit par la suite ne me plut pas. À ce moment, l'un des pompiers s'approcha. « Monsieur Parson, nous sommes désolés, votre cuisine est foutue. Aviez-vous des effets personnels particuliers dans cette pièce ? » « Pas spécialement. L'une ou l'autre photo avec mon père, mais j'en ai des tas d'autres. » « Tant mieux pour vous, alors. Vous avez eu de la chance que cette demoiselle s'en soit rendue compte aussi rapidement. C'est rare, dans le coin. Vous pouvez la remercier. Bon, tout a été réglé, désormais ce n'est plus de notre ressort. Bonne chance pour les rénovations, et faites attention la prochaine fois que vous rentrez tôt le matin à ne pas avoir soudainement envie de vous cuisiner un petit plat. »

« Zeeeeeeeeph ! Sors de là, j'suis pressée ! » j'entendis son rire derrière la porte. « Mais tu te dépêches même pas en plus ! Tu sais qu'ya des gens qui ont besoin de gagner leur vie ? » Enfin, la porte s'ouvrit, m'envoyant un bouffée d'humidité au visage. « Panique pas chérie, t'es tellement plus jolie quand t'es de bonne humeur ! » « Si je devais pas me dépêcher, je t'assure que je t'étranglerais ! J'ai jamais vu un mec passer autant de temps à la salle de bain ! » « Ça c'est parce que je suis unique mon amour ! » Eh oui : depuis presque deux ans maintenant, Zehpyr et moi étions colocataires, et, en temps normal, très bons amis. Nous nous partagions le coût de la maison en deux, même si c'était plutôt pour mon orgueil puisque Zehpyr aurait pu s'en occuper tout seul. J'avais presque visé juste la première fois que je l'avais rencontré : le père de Zephyr était un acteur américain terriblement connu et populaire. Pour fuir cette popularité, Zephyr avait pris le nom de sa mère, mais visiblement ça n'avait pas suffit. Il était donc venu ici, à Nouméa, ville de naissance de sa maternelle. Son père lui envoyait des chèques plus qu'exorbitants à chaque mois. Au départ, nous vivions ensemble dans ma maison plutôt modeste de l'époque, mais après quelques mois, nous avions déménagé dans une grande baraque de Nouville. C'était la vie rêvée, même si Zephyr faisait tout pour m'emmerder et me faire enrager, en dépit de mon habituelle patience. Étrangement, en sa présence, elle semblait s'envoler entièrement. Il prenait aussi un malin plaisir a me faire d'innombrables blagues et insinuations, comme si nous étions un vieux couple. Mais j'avais beau dire, je l'adorais et c'était un ami qui m'était très cher. Lors de soirées mondaines, de galas ou autres festivités, il m'emmenait toujours comme cavalière, surtout lorsque la soirée incluait une danse. Il arrivait même qu'il me force à me déplacer jusqu'au États-Unis, mais dans ces cas-là, je me réservais aussi le droit de refuser. Dans tous les cas, les gens du monde entier qui connaissaient Zephyr Parson étaient certains que nous sortions ensemble, mais ça m'était bien égal. Sauf que ces évènements, qui me semblaient de plus en plus fréquents, me mettaient de plus en plus mal à l'aise. Je ne me sentais pas à ma place, au bras de Zephyr, en tant qu'amie. Ce n'était pas naturel. D'autant plus que sa mère, charmante, et son père, influent, venaient me parler et semblaient m'adorer - mais ils pensaient eux aussi que je sortais avec leur fils. C'était de plus en plus difficile. « Shea, sors de là, j'veux te parler. » J'ouvris la porte, bien enroulée dans une serviette. Nous voir sortir de la douche était une chose habituelle pour nous. « Tu voulais faire quoi pour mon anniversaire ? » « J'ai encore rien de prévu. C'est dans un mois et demi. » « Ça te dirait un méga party à Las Vegas ? » Je le regardai, incrédule. « J'adorerais. Mais c'est pas moi qui organise alors. » Son sourire s'agrandit, d'autant plus joyeux et malicieux. « Pas besoin d'organiser, Vegas le fera pour nous. » « Faut quand même réserver l'hôtel et ... » Il plaqua sa main sur ma bouche. « Tais-toi ma jolie. Tu invites tes amis et les miens, une vingtaine en tout, c'est tout c'que j'te demande de faire. »



J'ouvris les yeux, encore très ensommeillée. La pièce était très grande, débordante de luxe et envahie de lumière. J'étais dans un grand lit, très moelleux, avec de bons oreillers dans lesquels ma tête s'enfonçait. Un grand lit si confortable, rien que pour moi ... Je refermai doucement les yeux et roulai sur moi-même, mais mon bras, plutôt que de s'enfoncer dans le matelas, rebondit sur quelque chose de dur et chaud. Je me retournai précipitamment, rouvrant les yeux en vitesse. La chose dure et chaude, c'était Zephyr qui émergeait justement du sommeil. « Mais ça va pas, pourquoi tu me frappes comme ça ?... » Il se redressa à demi, puis se figea dans son geste. Il sembla reconnaître, tout comme moi quelques secondes auparavant, la chambre du Caesar's Palace, à Las Vegas. « Shea, qu'est-ce que tu fais là ?! » « C'est plutôt à moi de te poser la question, t'es dans mon lit à ce que je sache ! » Aussi proches était-on, jamais on avait dormi dans le même lit et, pour une obscure raison, ça ne nous paraissait absolument pas concevable dans le futur. « Non, c'est mon lit puisque je me suis réveillé dedans ! Pourquoi t'es venue dans mon lit ce matin ?? » « Je me suis réveillée ici aussi ! La preuve, tiens, tu sais comme je déteste le pyjamas, et que dès que je me lève je mets une chemise ? Ben là je porte rien, et t'inquiète, c'est pas du tout mon rêve qu'être dans le même lit que toi en sous-vêtements ! » J'appuyai mes dires en montrant mon corps, plus par réflexe qu'autre chose de pour montrer ce que je portais, puisque j'étais sous les draps. « Shea, qu'est-ce que t'as au doigt ? » Je baisai le regard sur ma main droite, puis sur la gauche, et mon sang se glaça dans mes veines tandis que des souvenirs me revenaient avec force au cerveau. Tard dans la nuit, alors que nous étions tous saouls-morts, Zephyr m'avait embrassé devant tout nos amis, et j'avais ris. On s'était dit l'un à l'autre qu'on s'aimait et hop ! nous étions partis vers une chapelle pour nous marier sur-le-champ. Ma bague de fiançailles, gracieusement offerte par mon ... mari, était en fait une bague en plastique achetée dans une petite machine à vingt-cinq sous. « Merde, Zehpyr, merde merde merde MER-DE !! » Je me précipitai hors du lit sans me soucier de mon habillement, enfilai rapidement des vêtements et tirai Zephyr du lit. « Maintenant habille-toi, et vite. Dépêche ! » Pour une fois, il se dépêcha et me suivit jusqu'aux chambres de nos amis. J'étais mariée. À Zephyr.