✈ somebody to love.
Je suis née il y a vingt-trois ans dans une famille qui ne semblait pas normale pour certains. J'avais deux papas mais, pas de maman. Ce n'était pas un contexte familier habituel mais, pour moi, il était parfait pour y trouver le bonheur et se développer comme il le fallait. Si vous avez bien compris, mes deux papas étaient homosexuels et depuis cinq ans, ils avaient en tête de devenir parents, de former une famille comme ils en avaient toujours rêvé. Ce fut donc au bout de cinq ans que je vins accomplir le rêve de deux magnifiques personnes. Au tout départ, ils étaient partis pour une adoption mais, la procédure était beaucoup trop longue pour ces deux impatients. Fort heureusement, une de leurs amies les plus proches se proposa pour les aider. Mère porteuse, c'est le rôle qu'elle allait jouer durant neuf mois, le temps de me porter dans son ventre. Ce fut Ethan, un de mes papas, qui fut chargé de copuler avec son amie pour qu'elle puisse tomber enceinte. Après de nombreuses tentatives, le test put enfin être positif et les voilà partis pour neuf mois d'attente. Lorsque je suis arrivée, je crois que j'ai fait le bonheur de pas mal de personnes. Déjà, mes papas étaient fous de joie de m'avoir dans leurs bras. Lorsque je regarde les photos de ma naissance, je vois des étincelles dans leurs yeux. Ils sont si fiers d'être enfin parents. Je fais le bonheur aussi de mes grands-parents qui commençaient à croire que jamais, ils n'auront des petits-enfants. Leur amie, celle qui m'a mis au monde, Leeloo, fut aussi heureuse de leur offrir ce cadeau. Je la vois encore très souvent puisqu'elle est restée une amie très proche de la famille mais, je ne l'ai jamais considéré comme ma maman. De son côté aussi, elle ne me considère pas comme sa fille, elle est seulement celle qui m'a mise au monde. J'ai donc grandi avec deux papas qui m'aimaient très fort et qui m'ont inculqué des valeurs que jamais je ne violerais.
Lorsque j'atteins mes deux ans et que j'étais haute comme trois pommes, mes papas m'ont annoncé une nouvelle. J'allais être grande soeur et en plus, d'une petite fille. En effet, ils avaient de nouveau fait appel à Leeloo pour agrandir leur famille. Je me rappelle exactement de la réaction que j'ai eue à ce moment.
« Mais papa, j'en veux pas de petite soeur. Elle va me voler tous mes jouets ! » Du haut de mes deux ans, je trépignais devant mon papa. Je pense que j'étais un peu jalouse de cette nouvelle arrivée dans la famille.
« Tu vas l'aimer, j'en suis sur mon trésor. » « Je te crois papa mais, je veux choisir son prénom. », niveau négociation, j'étais déjà sacrément forte lorsque j'étais petite.
« On va en discuter et tu lui choisiras un prénom, c'est promis mon coeur. » Mon papa avait raison depuis le début. Depuis que Sohàne est venue au monde, j'en suis complètement gaga. C'est ma petite soeur à moi et je ne m'imagine pas une seule seconde vivre sans elle. Soso est mon rayon de soleil, quoi que non, c'est mon soleil tout entier. Comme moi, elle est arrivée sur Terre grâce à une mère porteuse. La même que moi. Alors, on partage tout ensemble. La même mère porteuse et les mêmes papas. On n'a pas exactement le même sang par contre mais ça n'empêche que je l'aime de tout mon être. Elle est celle qui me donne le sourire chaque jour. Même encore aujourd'hui, nous sommes comme les cinq doigts de la main, sauf que nous sommes deux. Je pense que c'est le cadre dans lequel nous avons grandi qui nous rassemble autant aujourd'hui. On a traversé toutes les insultes, toutes les difficultés et les regards de certaines personnes. Nous incarnons la force et l'amour. Deux choses que nos pères nous ont inculqués lorsque nous étions enfants. Sohàne Bishop-Fields, c'est ma petite femme à moi. Je suis comme une armure sur laquelle il faut passer avant d'arriver à ma soeur. Sohàne, c'est ma meilleure amie mais c'est aussi ma petite soeur. On a que deux ans de différence, c'est pour ça qu'on s'est toujours aussi bien entendu. Elle est mon modèle, j'ai l'impression que tout ce qu'elle entreprend, elle le réussit. Bien sûr, il est déjà arrivé qu'elle et moi on se dispute, mais c'était souvent pour des broutilles et puis dix minutes plus tard, on était déjà dans les bras l'une de l'autre pour s'excuser de s'être énervées.
J'ai croisé son regard, je l'ai frôlé du bout de mes lèvres, j'en suis tombé amoureuse en un claquement de doigt. Il me fait rêver, il me fait sourire, il me fait vivre. Nous sommes très vite sortis ensemble. Après une rencontre dans un mariage d'amis communs, nous nous sommes revus encore et encore et au bout de deux semaines, nous avons officialisé notre relation. Je ne voyais que lui, je ne vivais que pour lui. J'avais déjà eu une histoire sérieuse avant lui. Enfin, par sérieuse, je veux dire, première histoire durant mon adolescence. Mais là, j'avais bientôt dix-neuf et cette relation là, ce n'était pas juste un amour de vacances ou un amour pour passer le temps. Cet amour-là, il était vrai, il était pur. Je me rappelle des premières vacances que nous avons passé ensemble ou lorsque je l'ai présenté à ma famille. Oui, je l'aime et j'assume énormément cet amour pour lui. X a tout pour être l'homme parfait. Il est attentionné, marrant, doux, calme, protecteur. Et en plus de ça, il est vraiment très beau. Je suis une femme chanceuse. Durant trois ans, il me donne l'impression d'être la plus heureuse femme au monde. Des promesses d'avenir commencent à former leur petite place dans notre couple. Nous emménageons ensemble dans mon petit appartement. L'avenir nous sourit, tout le monde croît en nous. Et quand je vois mes amies qui tombent enceintes, moi aussi j'en rêve.
Je ne pensais pas ça de lui. Je ne m'imaginais pas sans lui. Il a fauté, il a profité de mon absence pour s'en taper une autre. Il me dégoûte, j'ai envie de vomir quand je le vois. Ces promesses, toutes les choses qu'il m'a dites, je suis certaine qu'il les lui a dites à elle aussi. Sauf que moi, je ne lui ai pas ouvert que mon entrejambe, je lui ai aussi ouvert mon coeur. Je lui ai confié ma vie, je pensais qu'il me passerait la bague au doigt. Qu'est-ce que je peux être conne quand même. Il s'est foutu de ma gueule et moi j'étais là, devant lui presque à lui dire
« Vas-y, fais-moi mal, fais-moi pleurer toutes les larmes de mon corps, fais-moi regretter tout ce que je t'ai confié. » Lorsque je l'ai découvert en plein ébat avec cette blondasse exécrable, j'ai pris mes affaires et je suis partie. Je n'ai pas réfléchi, je lui ai dit de ne plus chercher à me revoir, je l'ai quitté tout simplement. Pourtant, un problème persiste depuis notre séparation. Je suis tombée folle amoureuse de ce garçon. La seule chose dont j'ai envie, c'est de le voir sourire, de l'entendre chanter comme une casserole ou encore de revoir la tête indignée qu'il fait quand je lui pique une frite dans son assiette. C'est affreux le mal qu'il m'a fait et l'amour que je ressens pour lui. Je me torture moi-même, je le sais. Je pourrais très bien lui pardonner mais, je n'y arrive pas malgré tout l'amour que je lui porte. En une soirée, seulement en quelques secondes, une relation forte et durable de presque trois ans, venait d'être balayée d'un revers de la main. Je n'ai connu que deux vraies histoires d'amour dans la vie mais celle-là, je ne voulais pas lui faire mes adieux. Je ne voulais simplement pas être séparé de l'homme que j'aime.
Je refais ma vie, loin de l'amour. J'ai lancé ma propre boite d'organisation de mariage. Malgré tout ce que l'amour m'a fait enduré, moi j'y crois encore. Je crois en la féérie et en la beauté de ce magnifique sentiment. Quand je me promène dans la rue et que je vois aux quatre coins de la ville des couples, jeunes ou vieux, qui s'embrassent et se disent des « Je t'aime. » à tout va, ça me fait tout simplement rêver. Je ne vous raconte même pas quand je rencontre des bébés, des enfants. J'aimerais qu'un jour, moi aussi je puisse porter un enfant ou même entendre m'appeler « Maman. ». Moi, je ne l'ai pas dit dans mon enfance. Et même si je n'ai jamais été malheureuse auprès de mes deux pères, ce mot m'a manqué un moment. J'ai grandi entouré de différences et j'apprendrais à mes enfants que ce sont les différences qui nous rassemblent. Je leur donnerai tout l'amour du monde parce qu'un enfant n'a besoin que de ça. Ils sont si innocents et pour moi, la vie, ce sont eux. L'avenir, ce sont eux aussi, voilà pourquoi, on ne doit en aucun cas leur faire du mal. A vingt-trois ans, je vais bientôt devenir grande soeur pour la deuxième fois. Mes deux pères ont lancé une procédure d'adoption pour un petit garçon. Il habite au Gabon et se prénomme Marley. Je suis contente pour la famille puis mes parents le méritent. Ils donnent du bonheur et de l'amour là où il y en a pas et c'est exceptionnel ça. Je suis sûre et certaine que ce petit Marley, mon petit frère va vivre heureux chez les Bishop-Fields. J'ai recroisé X dans les rues la dernière fois. Vous savez depuis notre séparation, il y a un an et demi, j'ai fait semblant de ne plus souffrir, de ne plus penser à lui. Mais, je me suis mentie à moi-même. Je l'ai remarqué quand j'ai croisé son regard. On a parlé quelques secondes, seulement le temps pour lui de me dire qu'il était fiancé et heureux. Moi, je lui ai dit que j'allais bien et que j'avais aussi retrouvé l'amour. Ce que je ne lui ai pas dit par contre, c'est que je l'aimais et que je l'attendais toujours. Je ne lui ai pas dit que mon lit attendait toujours son corps, que je sentais encore son odeur et que j'avais toujours l'impression qu'il était là auprès de moi. Il refait sa vie et moi j'essaye de refaire surface sans lui.