J’en étais bien à l’organisation de mon quinzième mariage mais je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter. Si quelque chose de mal se passait au mariage, je me devais de résoudre le problème aussi vite que possible. Plus que quelques minutes avant que la famille arrive de l’église. J’avais assisté à une bonne partie de la cérémonie. Je n’étais pas pratiquante mais je considérai que je croyais en Dieu. Certes, il ne faisait pas que des choses bien pour moi mais qui a une vie parfaite après tout ? Occupant un des postes de demoiselles d’honneur d’après la demande de la mariée qui était devenue une amie au fil de la préparation, je me tenais là, à côté de ceux que j’avais appris à découvrir depuis quelques mois. Ils s’aimaient, cela ne faisait aucun doute et je ne pouvais que leur souhaitait un mariage plus durable que le mien. Je m’adressai à une autre demoiselle d’honneur. « Carmen… C’est qui le témoin ? » Elle ne retint pas un très léger rire. On se devait d’être discrète tout de même. « Enzo… Il s’appelle Enzo. Je ne sais pas pourquoi mais j’étais certaine que tu allais me parler de lui… Ah, il vient de te dévorer des yeux, ma belle. » « Arrête… » « Mais je ne plaisante pas, regarde par toi-même. » Lentement, je tournai la tête en sa direction. En effet, il me regardait avec une certaine insistance. Malgré moi, je sentis que mes joues s’empourpraient. Il esquissa un léger sourire comme pour me rassurer. Il paraissait vraiment très gentil. « Si tu te rappelles du plan de table au lieu de t’imaginer dans ses bras, tu te souviendrais que notre amie, la mariée a bien insisté sur le fait que tu devais être assise à côté d’un certain Enzo pour le mariage. » Me le rappelant sans souci, j’apportai ma main gantée devant ma bouche. Comment j’allais faire ? Discrètement, je m’éclipsai. Les époux étaient au courant que je devais partir pour contrôler que tout allait bien. Arpentant la salle de banquet, j’hésitai un petit moment mais je choisis de ne pas déplacer Enzo. D’un naturel extraverti et dragueur, j’avais l’impression de redevenir une enfant tout à fait stressée et gauche. J’étais certaine que j’allais faire une connerie au cours de la soirée et qu’il ne voudrait jamais entendre parler de moi.

Pendant le repas, je passai mon temps à faire des tours de table, à discuter avec les gens. Ainsi, au lieu de m’asseoir à la place où j’étais prévue et dont j’avais enlevé le petit chevalet désignant mon nom, je mangeai à une table différente, cherchant à collecter les ressentis de chacun des invités. Me levant pour aller au buffet, je pris une assiette et me servais un peu de salade de riz que le traiteur avait apporté dans un saladier pour éviter de resservir tout le monde. Reposant la cuillère dans le saladier, je sentis une main se caler au creux de mes reins. Alors que j’étais prête à poser mon assiette pour coller une gifle à celui qui osait faire cela, je le reconnus. Enzo… « Alors, comment va Madame l’organisatrice de mariage ? » « Je vais très bien et vous, Enzo ? » « Vous connaissez mon nom ! Je suis flattée. Ai-je seulement le droit de connaître le vôtre ? » « Hmmm… Non. Excusez-moi, je vais manger. » Je le gratifiai d’un sourire. Alors que j’étais à plusieurs mètres de lui, il s’osa à crier. « Je sais que vous étiez censée manger à côté de moi, mademoiselle. Ne me prenez pas pour un idiot sans informations. » Carmen ! J’étais certaine que c’était Carmen qui avait été mettre son nez là-dedans. Je ne la connaissais que très peu mais suffisamment pour savoir qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de se mêler des affaires des autres. Qu’importe ! Je ne lui accordai pas d’attention et partis manger dans une pièce avoisinante. Une fois mon riz terminé, j’entendis les verres tinter. C’était l’heure des toasts. Les pères des époux prirent la parole. Le marié fit son petit discours élogieux de son épouse et de remerciement. Alors que je croyais être sauvée, la mariée prit la parole. « Je voudrais ajouter que nous souhaitons remercier Maybelle Roseburry, l’organisatrice de notre mariage. Sans elle, rien n’aurait pu être aussi parfait. Je suis heureuse de dire que tu es une amie qui compte beaucoup pour moi à présent, Maybelle. Peut-être qu’un jour, nos places s’inverseront et que je serais invitée à mon mariage. » Je ne pus me retenir de rire légèrement. Je me sentais un peu idiote car les regards se tournèrent vers moi, comme après chaque discours qui avait été prononcé dans chacun des mariages que j’avais organisé. Il y en avait toujours un pour me remercier. « Ah oui, j’oubliais. Tu pourrais accorder une danse à Enzo ? » Non, je rêvais là. Il n’avait pas osé faire ça ? Il était prêt à tout ce type. Etrangement, ça me plaisait terriblement. Gênée, je cachais quelques instants mon visage entre mes mains. J’esquissai un sourire. « Okay, okay. C’est demandé si gentiment. » Ce soir-là, nous avons partagé plusieurs danses dans les bras l’un de l’autre, plusieurs coupes de champagne, plusieurs baisers passionnés… Nous avons même été surpris alors qu’on était sur le point de coucher ensemble dans un vestibule. Nous ne l’avons finalement pas fait. Avec lui, j’avais le sentiment d’être différente. Je ne couchais jamais le premier soir et, pourtant, avec lui, j’aurais été prête à le faire. Cela fait trois mois que nous ne nous sommes pas vus. Il connait mon prénom, il est ami avec la mariée alors il aurait pu avoir mon numéro auprès d’elle mais non. Pas de nouvelles et, malgré tout, je reste en attente, espérant qu’il me contacte d’un jour à l’autre. Je me sens idiote, c’est un fait. Croyez-vous que l’on puisse tomber amoureux au premier regard ?